Faire des démarches administratives dans un pays étranger, c’est un peu comme une épreuve de patience où chaque étape devient une mini aventure en soi.Au Canada, c’était déjà pas mal dépaysant, mais l’approche restait souvent la même qu’en France et on pouvait faire pas mal de choses via l’informatique.
Au Japon, ce parcours s’accompagne d’une bonne dose de surprise, car tout est fait à l’ancienne, souvent sur papier, et très peu de choses sont informatisées. Le choc de passer de la modernité numérique à des démarches en personne, à coup de formulaires à remplir et de files d’attente, est bien réel. Et, spoiler alert : si vous ne parlez pas très bien japonais, ça vire vite à l’enfer.
Inscription à la mairie : la quête de la carte de résident
La première démarche importante est de s’inscrire à la mairie de votre arrondissement pour obtenir votre carte de résident (zairyū card, 在留カード). C’est une étape incontournable pour toute personne s’installant au Japon, et il faut absolument l’obtenir dans les 15 jours suivant votre arrivée sous peine de sanctions. Alors, sur le papier, ça semble simple. Sauf que, bien sûr dans notre cas, il y a un petit hic : l’adresse inscrite sur notre carte de résident était erronée.(on ne sait pas si c’est nous qui avions mal rempli le document ou si nos kanjis étaient trop mal tracés pour qu’ils les lisent) Ce genre de détail peut paraître anecdotique, mais en réalité, la carte de résident est cruciale. Sans elle, vous ne pouvez ni ouvrir de compte bancaire, ni recevoir de salaire. Le Castor, par exemple, ne pouvait pas percevoir son salaire au lycée sans cette carte correctement remplie. Et il a fallu des heures pour rectifier le tir, et encore, ce n’était pas gagné.
Attestation de domicile et erreur 404
Une fois la carte de résident en poche, nous devions obtenir une attestation de domicile (juminhyo, 住民票), une autre pièce essentielle, surtout pour la mutuelle. Cependant, les employés de la mairie semblaient légèrement perdus face à nos papiers. Nous avions fait traduire notre acte de mariage en japonais, mais là encore, malgré les efforts de traduction, ils ont eu des doutes. Il leur a fallu du temps pour accepter que c’était bien un “original”, ce qui a donné lieu à un moment assez absurde où ils ont écrit sur notre attestation de domicile “union libre”, ce qui ne nous ouvrait pas les droits à la mutuelle pour le Lez’art.
Autre moment assez drôle : il faut déterminer un « chef de famille ». Comme c’est le Castor qui a un visa de travailleur et qu’elle a le plus gros salaire (le seul au moment où l’on a rempli ce papier d’ailleurs), elle est le chef de famille. Sauf que ça a fait bugger les employées de mairie. Elle a bien rempli son nom et son rôle (épouse – 妻) dans la case chef de famille et celui du Léz’art et son rôle (époux – 夫). Après avoir donné le papier aux employées, elles sont revenues la voir par moins de 4 fois, en faisant intervenir des personnes différentes afin de lui faire confirmer qu’elle ne s’était pas trompée et qu’elle était effectivement bien cheffe de famille.
Le fameux Mynumber : la quête pour ouvrir un compte bancaire
Ensuite, il y a le Mynumber (マイナンバー), un numéro unique d’identification qui vous permet d’effectuer toutes sortes de démarches administratives au Japon, y compris l’ouverture d’un compte bancaire. Mais pour cela, il fallait d’abord prouver notre existence et notre adresse. Ce n’était pas évident, et Wise (notre banque en ligne) refusait de nous domicilier sans ce numéro. Il a donc fallu redoubler d’efforts et se rendre à la mairie (encore !) pour pouvoir obtenir ce précieux sésame. Et cela n’a pas été simple, loin de là.
Ouvrir un compte bancaire : mission impossible… ou presque
Ah, et bien sûr, ouvrir un compte bancaire au Japon, c’est une autre galère. La plupart des banques vous refusent un compte si vous ne vivez pas depuis plus de 6 mois sur le territoire. Et devinez quoi ? Il est obligatoire d’avoir un compte bancaire local pour recevoir son salaire. Cela a été notre cas : impossible d’ouvrir un compte classique, mais nous avons trouvé une solution de secours avec la Poste japonaise (Yucho, ゆうちょ), qui accepte d’ouvrir un compte même pour les étrangers résidant depuis moins de six mois. Nous avons donc eu droit à une carte de retrait mais pas à une carte de crédit, ce qui, on ne va pas se mentir, est un peu contraignant même si beaucoup de transactions se font encore en argent liquide. Par ailleurs, deux bureaux de poste ont refusé notre dossier pour ouvrir ce compte car cela devait se faire « dans le bureau de poste du quartier où nous vivions », ” on ne parle pas assez japonais” / “ils ne parlent pas anglais” (alors qu’on avait apporté tous les papiers remplis, tous les documents imprimés et qu’au final dans le dernier bureau qui nous a accepté, il est apparu que notre niveau est tout à fait suffisant pour cette démarche). Nous avons un compte bancaire chacun, car les salaires ne peuvent être versés que sur des comptes uniquement au nom de la personne.
Un petit moment sympa : se faire faire un sceau traditionnel
Au milieu de toutes ces démarches administratives compliquées, il y a eu un petit moment agréable et plutôt sympathique : la création du sceau personnel du Castor (hanko, 判子) pour les démarches officielles. C’est une véritable institution au Japon, et presque tout le monde a un sceau qu’il utilise pour signer des documents importants. Pas de simples signatures ici ! Il faut un sceau gravé sur mesure, souvent fait en bois ou en pierre, et chaque sceau porte un nom inscrit en kanji pour les Japonais, en Katakana pour le Castor. Nous avons trouvé une petite boutique traditionnelle spécialisée dans la fabrication de ces sceaux. Un détail sympathique dans cet univers souvent un peu impersonnel des formalités administratives… enfin presque, puisque pour qu’il soit valable, il faut le faire enregistrer à la mairie. Et en réalité, on s’en sert rarement, car en tant qu’occidentaux, on nous demande souvent notre signature parce qu’elle correspond à ce qui est sur notre passeport. Mais il était probable que nous en ayons besoin pour les papiers de la location, donc nous l’avons fait.
Permis de conduire : un parcours semé d’embûches
Ah, et comment oublier la demande de permis de conduire japonais, notre aventure de fin décembre ? Nous n’avions pas eu le temps faire un permis international avant notre départ, et au Japon, contrairement à la France, il n’y a pas d’accord “Canada/Japon” permettant de conduire avec juste un permis et sa traduction. Il a donc fallu passer par l’échange de notre permis canadien contre un permis japonais. Pas de problème, vous me direz ! Mais non, ce n’était pas si simple : nous avons dû amener 150 papiers pour prouver que nous avions bien vécu au Canada pendant deux ans après avoir obtenu notre permis Ontarien. Et bien sûr, l’agent nous a demandé le seul document que nous n’avions pas.pour nous éviter d’avoir un permis « jeune conducteur » Résultat, nous avons dû retourner à la maison, faire 2 heures de transport pour chercher les papiers manquants, perdre un peu d’espérance de vie, et finalement revenir pour finaliser l’échange. La bureaucratie n’a jamais été aussi rude. D’ailleurs, le Lez’art n’a pas pu obtenir son changement de permis car il lui manque toujours un papier que nous n’avons pas reçu.
Vous ne parlez pas japonais ? Rassurez-vous, eux non plus ne parlent pas anglais, ce qui vous fait un point commun dans la difficulté pour communiquer. On dit cela sur le ton de la plaisanterie, mais on se dit que ça doit être affreusement compliqué pour les gens qui arrivent ici sans la moindre notion de japonais et on mesure à quel point cela aurait été dur si nous avions accepté les postes obtenus à Bangkok ou Hanoï.
Mais, au fond, chaque étape de cette aventure administrative au Japon, bien que souvent frustrante, a aussi été une occasion de mieux comprendre les rouages de ce système si différent et de renforcer notre capacité d’adaptation. Parce qu’au final, même si l’on râle un peu, on se dit qu’on est un peu plus proches de pouvoir tout gérer comme des locaux et que c’est la véritable différence avec le fait d’être touristes dans ce pays.