(oui, ce titre est une référence et oui, rare seront ceux qui l’auront)

Nous avons quitté la France en 2022. Pas en 1950, pas en 1980, en 2022. Nous avons quitté la France à une période où les réseaux sociaux, internet et l’informatique permettent de maintenir une communication quasi instantanée avec le monde entier, en permanence et presque sans délai.

Presque

Nous avons passé l’essentiel de notre vie adulte loin de nos amis les plus proches et de l’essentiel de notre famille, et étions déjà un peu habitués au fait de passer par les réseaux sociaux pour se donner des nouvelles au quotidien. Nos retours sur nos terres natales étaient rares mais les contacts étaient maintenus par des transhumances mutuelles, quand nous ne bougions pas d’autres venaient.

Forts de ces habitudes, de ces nouvelles technologies à notre service et de l’esprit d’aventure, nous nous sommes dits que nous étions prêts à encaisser la distance.

Alors après deux ans au loin, deux micro retours en France, des visites des copains et de la famille, des nouveaux copains et un changement de continent, il est peut-être temps de tirer un petit bilan à destination des futurs expatriés.

Bilan dont l’argument principal est : on ne peut rien anticiper de la réaction des autres.

Nous avons essayé de maintenir voire de multiplier les sources d’infos : le Castor réalise de nombreuses stories sur son insta perso pour que ceux que cela intéresse aient des nouvelles régulières, on échange via whatsapp quasi quotidiennement avec nos proches, ce blog sert également de ressource pour des informations plus détaillées, nous avons pris des Famileo à destination de nos grands-parents pour combler les difficultés technologiques ou pour permettre l’envoi de photographies.

La grand-mère du Léz’art s’est mise à l’iPad et nous envoie des mails régulièrement, on a même réussi quelques visios, ce qui était impensable avant notre départ. Le club des M envoie des messages quasiment tous les jours, on échange avec ceux qui rebondissent sur les stories et questionnent. On a même recréé des liens plus proches avec des gens dont nous nous étions éloignés avec le temps. Comme les contacts réels sont plus rares, chaque échange même minime est devenu très précieux, parce que ces échanges établissent en temps réel l’état de la relation. Il y a ceux qui sont sortis de nos vies aussi, de manière parfois très surprenante parce que l’on ne s’y attendait pas.

Toute relation évolue, toute relation est liée au bon vouloir et à l’investissement des deux parties. À leur patience autant qu’à leur volonté de faire partie de la même histoire.

S’expatrier pour longtemps, c’est être celui qui choisit de faire évoluer les choses, les autres ne sont pas dans l’obligation de s’adapter à nos choix.

Et malgré la technologie, malgré les communications en temps réel, tout le monde n’est pas prêt à investir du temps mental pour matérialiser une évolution. C’est à garder à l’esprit.

Certaines relations n’existent que parce que des expériences réelles, palpables et non numériques sont partagées. À partir du moment où elles disparaissent, la relation s’effrite.

S’ajoute la contrainte non négligeable du décalage horaire. Programmer des appels visios, c’est toujours se retrouver plus ou moins à organiser sa journée autour de l’appel ou forcer celui en face à faire de même. Parce que ça tombe toujours à un moment moins arrangeant pour l’une des deux parties. Pourtant, on a réussi à faire des parties de JDR super longues avec nos meilleurs amis, alors qu’ils ont des EDT fatiguant et pas simples, ce qui renforce l’analyse : il faut de la volonté de toutes les parties pour que ça tienne la route. Et ça demande du temps, et de l’énergie, à tout le monde. Il faut que les liens soient forts pour que ça tienne.

Les retours en France tiennent du tetris autant que du saut d’obstacle : réussir à faire rentrer dans l’emploi du temps ceux que l’on veut voir, ceux qui veulent nous voir, essayer de ne pas s’imposer trop longtemps, regretter de passer si peu de temps, ne pas réussir à faire entrer des carrés dans des ronds, optimiser et essayer de passer le plus de bon temps possible tout en profitant d’être sur le sol français pour gérer le merdier administratif. Sachant qu’on doit se diviser entre Compiègne et la Bourgogne uniquement, parce qu’Angoulême c’est loin (et ça fait chier)

Les visites que l’on nous a rendu nous ont permis de faire découvrir notre pays d’adoption aux gens que nous aimions. Nous nous promenions souvent avec l’idée de montrer ceci ou cela, de faire goûter ceci ou cela à telle ou telle personne quand elle viendrait ou si elle venait. On a réussi à en concrétiser pas mal. Il y en a qui sont restées à l’état de projet, parce que l’on sait bien que c’est un gros voyage, une grosse dépense, une logistique énorme et que parfois ce sont les moyens qui manquent ou simplement que ce n’est pas dans le projet de vie des autres. Ce sera difficile parfois d’encaisser la non-venue, parce que ça sous entend d’accepter qu’on envisage pas les choses de la même manière, qu’on est pas la priorité des gens. C’est une chose à laquelle on peut être confrontés à chaque moment de sa vie, pas besoin d’aller bien loin. Mais c’est renforcé par la distance et le décalage horaire.

Maintenant que nous avons quitté Ottawa pour Tokyo, nous avons ajouté à nos relations numériques les relations “palpables” que nous avions construite là bas. D’un point de vue égoïste, c’est un peu rigolo : il y a toujours plus ou moins un copain ou un membre de la famille réveillé pour discuter, à n’importe quel moment du jour et de la nuit. On a des nouvelles de 3 continents dans la même journée, on continue de partager nos histoires d’une manière ou d’une autre. Bien sûr, des relations créées à Ottawa n’ont pas survécu au départ. C’était prévisible et anticipé. Peut-être mieux encore du fait de l’expérience précédente. Peut-être mieux encore parce que l’on avait intégré que certaines choses n’existent que quand on partage le même quotidien.

Si vous envisagez une expatriation, le mieux c’est de se dire qu’on ne sait pas comment ça va évoluer. Qu’il y aura de la casse, et pas forcément là où vous l’aviez prévue. Mais qu’il y aura aussi de nouvelles choses, de nouvelles relations, de nouvelles pousses qui viendront remplacer parfois de manière plus belle et plus durable les anciennes.

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